RICARD GUINó i BOIX / RICARDO GUINó Y BOIX / RICHARD GUINO

Œuvre-vie

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Cette « œuvre-vie » du sculpteur Richard Guino – à la découverte d’une personnalité artistique forgée dans le laboratoire de la modernité catalan, marquée par les intenses aventures de création partagées avec Maillol et plus encore Renoir, caractérisée par une inflexion décorative et toujours soutenue par une ample virtuosité technique – sera progressivement enrichie. Elle prend appui sur les travaux d’inventaire et de divulgation menés par les descendants de l’artiste, en particulier ses enfants Michel et Marie, successivement exécuteurs du droit moral, ainsi que sur les recherches développées par critiques et historiens de l’art (voir Ressources).

Merci infiniment à Francesc Fontbana qui, intrigué de découvrir qu’un certain Guino avait été reconnu coauteur des sculptures « de » Renoir, fit le rapprochement avec le jeune sculpteur parti de Gérone en 1910… Il se rendit à Paris pour rencontrer le vieil artiste au soir de sa vie, permettant à ses compatriotes catalans de le redécouvrir – l’entretien et les photographies qu’il a réalisés en 1972 sont des témoignages émouvants et précieux (voir Bibliographie).

Merci tout particulièrement à Emmanuelle Héran, commissaire de l’exposition Renoir au XXe siècle (Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 2009), qui a porté un éclairage scientifique inédit sur la collaboration de Renoir et Guino et donné toute leur place aux sculptures qui en sont issues, dans un passionnant dialogue avec les œuvres de leur temps (voir Expositions).

Merci chaleureusement à Julie Gandini et Élodie Mercier qui ont étudié, sous la direction de Catherine Chevillot, le fonds d’atelier de Richard Guino – sculptures, céramiques, œuvres décoratives et œuvres graphiques, archives – livrant ainsi les premiers travaux universitaires embrassant l’ensemble de l’œuvre personnel de l’artiste (2010-2012).

Dans l’attente de la publication du catalogue raisonné qui fera droit à la variété et à l’étendue des œuvres de Guino, comme à celles issues de ses prestigieuses collaborations, cette ébauche de biographie est une synthèse qui doit beaucoup à l’ensemble de ces recherches (voir Catalogue raisonné).

1890
1913

UNE JEUNE PERSONNALITÉ ARTISTIQUE PUISSANTE

  • Un sculpteur précoce, formé à la taille dans l’atelier d’ébénisterie de son père – L’école des arts de Gérone – Vitalité des échanges artistiques en Catalogne
  • Guino s’installe à Barcelone en 1906 pour suivre l’enseignement de La Llotja, l’école des Beaux-Arts de la capitale artistique espagnole, et celui du sculpteur Eusebi Arnau, dont l’atelier regorge de commandes pour l’architecture – À cette époque s’opère une transformation de la sensibilité, qui évolue en Catalogne du « modernismo » au « noucentismo », retour à la synthèse formelle gréco-méditerranéenne dont Maillol est l’un des acteurs
  • Premières expositions de sculptures et dessins – Articles de presse catalans et jeune renommée
  • Maillol (1861-1944) découvre le travail du jeune sculpteur et lui propose de devenir son assistant – Guino, âgé de vingt ans à peine, part définitivement pour Paris en 1910
  • Guino travaille aux côtés de Maillol pour la création des nus monumentaux des Saisons, commande du collectionneur russe Morozov – Le témoignage du comte Kessler, collectionneur et mécène, observateur de la vie artistique de son temps
  • Participation au chantier du Théâtre des Champs-Élysées : Guino réalise, à partir d’un projet de Maurice Denis, les deux hauts-reliefs qui ornent le cadre de scène – Il croque Isadora Duncan sur le vif, une série d’encres qui restituent en quelques traits les arabesques graphiques de la danseuse
  • Fréquentation de l’Académie Ranson pour travailler d’après modèle vivant – Guino dessinateur intense, la série de nus néo-renaissants sur parchemin
  • Participations aux salons parisiens et expositions de dessins, bas-reliefs et sculptures – L’attention des collectionneurs et marchands, Kessler, Morozov, Vollard… 
  • Guino crée la première grande figure signée de son nom, Vendangeuse, dont Vollard finance la fonte en bronze, réalisée par le fondeur Florentin Godard (1913)
  • Ses thèmes d’inspiration puisent dans une iconographie classique vivifiée par un style épuré et une grande variété de recherches techniques et formelles, qui participent pleinement au renouveau de la sculpture moderne : figuration synthétique et méditerranéenne nourrie de l’idéal antique d’équilibre, abandon de la hiérarchie entre disciplines artistiques, usage de la taille (bois et marbre), pratique de la céramique, exploration de la polychromie…

1913
1918

CRÉER LA SCULPTURE "DE RENOIR" ?

  • Une passion partagée pour la sculpture – Le lien opéré par Maillol avec Renoir
  • Le projet de Vollard et le marché proposé au vieux peintre comme au jeune sculpteur – L’improbable et fructueuse collaboration de Renoir et de Guino, qui crée des œuvres majeures avec Renoir, pour le compte de Vollard, tout en poursuivant son œuvre personnelle – Le travail et l’amitié avec le fondeur Florentin Godard
  • Dans l’intimité de la famille du maître à Essoyes et Cagnes-sur-Mer, Guino dessine et modèle des portraits de Renoir et de ses proches, avec lesquels se nouent des liens d’amitié et se développe une pratique partagée de la céramique
  • Évolution du modus operandi des deux artistes dans la création des sculptures – L’implication artistique et technique de Guino, sa liberté créatrice, la distance bienveillante et grandissante de Renoir – L’ambiguïté de Vollard vis-à-vis du peintre et du sculpteur (correspondance et témoignages)
  • 1913-16 : un cycle d’inspiration mythologique qui explore la figure de Vénus et la scène du Jugement de PârisVénus à la pomme, première sculpture de l’œuvre commune, dont la version finale est la monumentale Venus victrix – Le haut-relief Jugement de Pâris, conçu pour orner le socle de la grande Vénus, ainsi qu’en témoigne la Petite Vénus au socle, enfin le Buste de Pâris, créé en vue de réaliser l’ensemble de la scène en ronde-bosse
  • 1914-17 : un projet de pendule, L’Hymne à la vie, figurant avec un enfant porté au pinacle par ses parents le passage du temps
  • 1915-17 : portraits d’artistes, amis ou admirés de Renoir, en médaillons – Cézanne, Monet, Rodin / Delacroix, Ingres, Corot (ces trois reliefs seront attribués au seul Guino par le jugement de 1971, au motif qu’aucune œuvre graphique de Renoir ne soutint l’inspiration du sculpteur pour les réaliser, ce qui fut toutefois le cas aussi des laveuses et forgerons… )
  • 1916 : un cycle de créations en hommage à Aline Renoir, l’épouse du peintre décédée en 1915 – ces œuvres ont la particularité d’avoir été commandées par Renoir à Guino sans l’intermédiaire de Vollard. Le peintre, qui venait de perdre sa femme, a offert une de ses peintures au sculpteur pour le rétribuer – Maternités et Madame Renoir
  • 1916-17 : des allégories de l’Eau et du Feu, représentées par des Laveuses et Forgerons, dont la monumentale Grande Laveuse, ou Eau
  • Malgré la réussite artistique de leur collaboration, Renoir et Guino dépossédés ?
  • Le silence de Vollard sur la genèse de l’œuvre sculpté, abondamment édité par le marchand dès sa création puis après la mort de Renoir (1919)
  • Guino relégué dans l’anonymat, de l’oblation à la réinvention – Le point de vue des historiens de l’art catalan – Le témoignage de Georges Besson, critique d’art et intime des dernières années de Renoir

1918
1942

INTENSE DIVERSIFICATION DES PRATIQUES ARTISTIQUES
ET INFLEXION DÉCORATIVE

  • La céramique avec Claude et Jean Renoir – L’atelier mis à disposition par Ferdinand Deconchy, peintre, céramiste et maire de Cagnes-sur-Mer
  • Eulalie Verdier, tisseuse, modèle, compagne et inspiratrice de Guino, est emportée par la grippe espagnole en 1919
  • Cycle de création des Vendangeuse et Baigneuse, des nus monumentaux de Guino inspirés par Eulalie Verdier
  • Expositions personnelles en 1919, 1922 et 1923 à la galerie Hébrard, fortune critique
  • Contrats d’édition avec les maisons Hébrard, Colin et Susse
  • Guino participe à la grande Exposition des Arts décoratifs de 1925 où il obtient trois médailles (métal, céramique, arts du jardin) 
  • Il obtient la naturalisation française et épouse le 1er mai 1926 sa compagne Gabrielle Borzeix, le couple aura six enfants
  • Cycle de création des Maternités, série des portraits d’enfants
  • Guino participe aux Exposition Universelles de 1935 (Bruxelles) et 1937 (Paris)
  • Ample exploration des ressources formelles de la céramique d’art – En 1922 débute une collaboration avec la Manufacture de Sèvres qui se prolongera jusque dans les années 1950
  • Création de mobilier : buffets, tables, chaises, cheminées – Les commandes Hébrard
  • Création de plaquettes de reliure en ivoire pour l’édition – Les commandes Chouanard
  • Peinture sur verres – La collaboration avec le verrier Heiligenstein
  • Création de sculptures pour l’architecture – Réalisation d’un vaste programme sculpté pour la St Teresa Church (Princes Risborough, Royaume-Uni, 1937-1939)

1942
1960

EN RUPTURE AVEC L'ESTHÉTIQUE
ÉMERGEANT APRÈS-GUERRE

  • Une nombreuse famille à protéger, les difficultés liées à la guerre – L’installation à Antony, en banlieue parisienne
  • Faire face aux restrictions : de la céramique d’art à la production d’objets utilitaires par l’atelier familial
  • Repli et retour aux genres classiques, en rupture avec le contexte artistique d’avant-garde qui se développe après-guerre et dont l’un des enfants de Guino, Michel, deviendra l’un des acteurs
  • Portraits
  • Dessins et lithographies
  • Paysages d’Ile-de-France
  • Travaux graphiques

1960
1973

BACCHANALES IMAGINAIRES

  • Un monde secret, poétique et pulsionnel, où dominent les thèmes de la danse et de la musique
  • Les dessins érotiques – La mise en scène de moines et nonnes, réminiscences subverties de la culture catholique de l’enfance espagnole
  • Du silence au procès – Le rôle de Paul Haesaerts, critique d’art, et de Michel Guino, le fils lui aussi devenu sculpteur
  • Jugement de 1971 : Richard Guino est reconnu coauteur de l’œuvre sculpté créé en communion avec Renoir durant les années 1913-1918
  • Lumière sur le vieux sculpteur et son œuvre, nichés dans un atelier de banlieue – Le témoignage de Francesc Fontbona, historien de l’art catalan allé à sa rencontre en 1972

1965
1973

GUINO / RENOIR

  • Fortune critique et évolution du marché des sculptures – Les diverses éditions, de Vollard à Chrysler
  • L’intérêt du critique d’art Paul Haesaerts pour ces œuvres et leur genèse, sa correspondance avec Guino – Publication en 1947 de son ouvrage Renoir Sculpteur : la part créatrice de Guino est révélée mais reste minorée
  • 1964, Guino se rend aux Collettes pour l’inauguration d’un tirage en bronze de Venus victrix, l’œuvre monumentale créée 50 ans auparavant avec Renoir – Le témoignage de Clergue, créateur et conservateur du musée Renoir
  • Âgé et malade, Guino espère pouvoir tirer profit d’études qu’il a conservées du temps de sa collaboration avec Renoir – Le refus qui lui est opposé entraîne une action légale, menée par son fils, le sculpteur Michel Guino
  • Scandale et expertise – Articles de presse – Le conservatisme affiché par le milieu de l’art versus le soutien manifesté par de jeunes sculpteurs tels César, Hiquily ou Féraud – Le rapport remis à la cour du TGI de Paris par l’expert Alfred Daber en 1969
  • Jugement de 1971, appel puis rejet du pourvoi en cassation en 1973 : Guino est définitivement reconnu coauteur, à titre posthume, des sculptures qu’il avait créées avec Renoir et pour le compte de Vollard entre 1913 et 1918
  • En 1974 une exposition de l’œuvre sculpté de Renoir et Guino, organisée par leurs descendants réconciliés, est présentée à l’Hôtel Bristol (Paris) en hommage à la collaboration des deux artistes

SUITE

PROLONGEMENTS
FILIATION ARTISTIQUE ET DEVENIR DE L'ŒUVRE

Machin-Chose - Michel Guino (1971)
Machin-Chose – Michel Guino (1971)
  • Sculpteur (1926-2013)
    Une œuvre qui se développe dans un contexte de renouveau des formes artistiques dont Michel Guino, à travers l’usage du métal soudé et des matériaux de récupération, est l’un des acteurs. Tendues entre verticalité et dislocation, ses sculptures subliment rebuts de l’industrie aéronautique, éclats d’obus ou jouets dans une même passion créatrice. Elles interrogent notre devenir machinique et opèrent un « recyclage poétique du réel » ludique, puissant et subtil, où l’inquiétude le dispute à l’humour.
    > site du sculpteur Michel Guino
Sculpture de Jean Borzeix
Sans Titre – Jean Borzeix (c. 1975)
  • Sculpteur (1936-1978)
    Jean Borzeix choisit le nom de sa mère lorsqu’il s’engage à son tour dans la sculpture. Il travaille aux côtés d’Albert Féraud qu’il assiste et développe une œuvre personnelle interrompue par sa disparition prématurée. Ses sculptures en métal soudé sont empreintes d’une grande fluidité technique et d’une curiosité vibrante pour l’expressivité des matériaux de récupération, mais aussi d’inattendus éléments organiques, ainsi des troublantes toiles d’araignées qu’il a fixées sur des supports colorés.
Marie (2003)
Marie – acrylique et duvet de plumes, 2003
  • Peintre, née en 1944
    Dessins, peintures, œuvres en tissus, sculptures, collages… signés Marie.
    Une œuvre polymorphe, en dialogue avec la magie des arts premiers et les pratiques traditionnellement dévolues aux femmes, où sensibilité chromatique et curiosité pour les matériaux servent l’exploration des énigmes de l’intuition et tissent des liens puissants avec le monde animal.
  • Œuvres de Guino : conservation et diffusion, édition posthume, accompagnement des recherches et expertise, établissement du catalogue raisonné (en cours)
  • Œuvres Renoir-Guino : établissement de l’inventaire de l’œuvre de collaboration (en cours), réalisation de la dernière édition originale de l’œuvre sculpté portant la double signature des coauteurs, Renoir et Guino

Dans l’attente de la mise en ligne de ces différentes sections, voir la chrono-biographie détaillée à la rubrique CHRONOLOGIE DES EXPOSITIONS.

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