Entre 1913 et 1918 Guino, tout en poursuivant son œuvre personnel, crée des sculptures en collaboration avec Renoir.
Gagné au soir de sa vie par la paralysie, Renoir n’a rien perdu de sa soif créatrice et continue de peindre sans relâche. Si le vif intérêt qu’il a toujours éprouvé pour la sculpture est ravivé par ses échanges avec Maillol, Renoir, alors âgé de 72 ans, se trouve dans l’incapacité de modeler. De sévères rhumatismes déformants l’ont privé de l’usage de ses jambes et ses mains, recroquevillées, sont protégées par des bandelettes où l’on glisse ses pinceaux. Vollard, son marchand et ami, réussit à le persuader de s’adjoindre le jeune sculpteur catalan que Maillol, d’abord approché, a recommandé : c’est ainsi que Guino, âgé de 23 ans à peine, relève le défi de créer les sculptures… « de » Renoir ?
Entre le vieux peintre et le jeune sculpteur se noue d’emblée une intense communion artistique. Une fois le sujet de l’œuvre déterminé, Guino travaille tantôt en prenant appui sur des peintures ou encore des esquisses que le maître a griffonnées à son intention, tantôt à partir de ses propres dessins préparatoires et souvent avec des modèles. Le jeune artiste jouit d’une grande liberté créatrice, ainsi certaines sculptures, tels les Laveuses et Forgerons (1916-17), ne se réfèrent à aucune œuvre particulière de Renoir. Chez le peintre à Essoyes et Cagnes-sur-Mer, mais aussi dans son propre atelier parisien, Guino modèle l’argile, tire les plâtres puis supervise les fontes, réalisées par Florentin Godard. Vollard rémunère chacun des deux artistes séparément. Il éditera abondamment leurs œuvres sous le seul nom de Renoir, y compris sous forme de découpes.
– Petite Vénus à la pomme ou Petite Vénus debout (1913) et variantes (étude/variante tête/variante socle)
– Venus Victrix (1914-1916) et variantes (deux versions/variantes têtes/découpe tête/découpe buste)
– L’Hymne à la vie, pendule (1914-1917), plusieurs versions
– Le Jugement de Pâris (1915), haut-relief, trois versions (dimensions)
– Buste de Pâris (1915), deux versions
– Cézanne, Monet, Rodin et Corot, Delacroix, Ingres, portraits en médaillons (1915-1917)
– Maternité (1916) et variantes (étude/découpe buste)
– Buste de Madame Renoir (1916)
– Eau ou Petite Laveuse (1916), deux variantes (dimensions)
– Feu ou Petit Forgeron (1916), deux variantes (dimensions)
– Eau ou Grande Laveuse (1917)
À la veille de sa mort en 1919, Renoir confie à son ami Albert André avoir donné « quelques conseils à un jeune sculpteur talentueux »…
Le sculpteur, pour d’évidentes motivations commerciales, fut relégué dans l’anonymat et son apport créateur systématiquement dénié par Vollard. Malgré sa réussite artistique, cette aventure de création unique aura une répercussion ambivalente sur l’œuvre et la vie de Guino.