GUINO – RENOIR. LA COULEUR DE LA SCULPTURE
Sous la direction de Pascale Picard et Antoinette Le Normand-Romain
Silvana Editoriale, 2023 – Musée d’art Hyacinthe Rigaud
24,5 x 29 cm, 296 pages, 335 illustrations
Catalogue de la première rétrospective d’ampleur consacrée à Richard Guino, présentée par le musée d’art Hyacinthe Rigaud de Perpignan du 24 juin au 5 novembre 2023 et premier ouvrage scientifique consacré à l’artiste, dont l’œuvre est embrassée dans toutes ses dimensions. L’exposition, reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture, a été portée par Pascale Picard, directrice et conservatrice du musée, qui a assuré le commissariat général et confié le commissariat scientifique à Antoinette Le Normand-Romain. Richement illustrée, cette publication est le fruit des recherches qu’elles ont menées avec un collège de spécialistes dont les travaux, préparés par Sandrine Nicollier, documentaliste, s’appuient sur de nombreuses archives inédites : Francesc Fontbona, Cristina Rodriguez-Samaniego, Sylvain Pinta, Clémentine Hébrard, Élisabeth Lebon.
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR
Richard Guino (1890-1973) est un sculpteur catalan né à Gérone, où il entame une formation tout aussi précoce que brillante qu’il poursuit à l’École d’art de La Llotja, à Barcelone, avant d’entrer dans l’atelier d’Aristide Maillol à Paris, en 1910.
D’emblée, Richard Guino envisage une carrière d’artiste indépendant stimulée par la recherche d’une modernité dont il découvre le langage et qu’il accompagne de ses jeunes convictions. Cariatides, métopes et figures peuplent alors l’atelier qu’il choisit d’installer à Montparnasse, en plein cœur du Paris de l’avant-garde artistique. Par l’entremise du marchand d’art Ambroise Vollard, et dès 1913, il vend deux de ses premières sculptures au collectionneur moscovite Ivan Morozov et conçoit son premier grand modèle sculpté. Ses préoccupations esthétiques sont alors motivées par la question du torse et du fragment, mais aussi par la sensualité du nu dont il renouvelle l’expression sous l’impulsion de Maillol.
Guino n’a que vingt-trois ans lorsque sa pratique virtuose de la sculpture le fait remarquer au point de devenir, de 1913 à 1917, le sculpteur de l’œuvre d’Auguste Renoir. La renommée du peintre est alors immense et, à l’initiative d’Ambroise Vollard, il accepte de concevoir des sculptures tirées de son répertoire peint qui sont produites en totale collaboration. Le caractère atypique de cette association, qui conjugue peinture et sculpture, devait avoir une incidence déterminante sur la carrière en devenir de Guino qui élargit dès 1919, ses centres d’intérêt aux arts décoratifs.
SOMMAIRE
UN JEUNE SCULPTEUR CATALAN
Un entretien avec Richard Guino
Francesc Fontbona
Membre de l’Institut d’Estudis Catalans et de la Reial Acadèmia Catalana de Belles Arts de Sant Jordi
Gérone et Barcelone 1890-1910
Cristina Rodriguez-Samaniego
Professeur au département d’Histoire de l’art, Université de Barcelone
RICHARD GUINO SCULPTEUR
« Un jeune d’avenir certain » 1910-1913
Antoinette Le Normand-Romain
Commissaire scientifique de l’exposition, conservatrice générale du patrimoine honoraire, directrice générale de l’INHA honoraire
Guino-Renoir, l’accord parfait
Pascale Picard
Commissaire générale de l’exposition, directrice et conservatrice en chef du musée d’art Hyacinthe Rigaud
LA COULEUR DE LA SCULPTURE
La sculpture décorative
Antoinette Le Normand-Romain
Commissaire scientifique de l’exposition, conservatrice générale du patrimoine honoraire, directrice générale de l’INHA honoraire
Richard Guino, sculpteur, décorateur, céramiste
Sylvain Pinta
Attaché principal de conservation du patrimoine responsable des collections céramiques, chargé des collections XIXe et XXe siècles au musée départemental de l’Oise (MUDO)
UN RÉPERTOIRE HORS NORME
Guino contre Renoir : quand les mains de l’artiste tombent aux mains du droit
Clémentine Hébrard
Doctorante contractuelle en droit privé de l’Université Paris-Panthéon-Assas, Avocate et membre de l’Institut Art & Droit, licenciée en histoire de l’art de l’École du Louvre
Richard Guino et le bronze, esquisse d’une histoire des éditions
Élisabeth Lebon
Docteur en histoire de l’art
BIOGRAPHIE DE RICHARD GUINO (1890-1973)
Adélaïde Paul-Dubois-Taine
Petite-fille de Richard Guino
L’ouvrage sur le site de l’éditeur :
Qui regarde qui ? Entre les statues de marbre et les tableaux de maîtres, les visiteurs du musée d’Orsay posent tantôt des yeux admiratifs, tantôt un regard perplexe sur les chefs-d’œuvre qui bordent les allées. Ils échangent dans un murmure discret et continuent leur déambulation. Mais lorsque les portes du musée d’Orsay ferment et que la nuit tombe, les sculptures et les peintures quittent la pose, descendent de leur socle, s’animent, se détendent, se mettent à se raconter, s’interrogent ou commentent ce qu’elles ont pu voir ou entendre au cours de la journée. Que peuvent bien penser de nous les peintures et les sculptures à force de nous observer et de nous écouter dans les couloirs et les salles d’un musée tout au long de la journée ? Ce que de jour les « regardeurs » disent des regardés, et surtout ce que de nuit les regardés racontent des « regardeurs ».
Harry Kessler fut un observateur attentif et passionné de la vie artistique de son temps, qu’il chroniquait dans son journal. Son précieux témoignage a permis de découvrir que l’œuvre Le Printemps est réalisée par Guino dans son propre atelier du 7 rue Daguerre, à Paris, alors qu’il assiste Maillol pour la création des nus monumentaux des Saisons, importante commande du collectionneur russe Ivan Morozov.
Le comte, ami et mécène d’un artiste tard-venu à la sculpture, relate se rendre en sa compagnie dans l’atelier de Guino, à la date du 30 mai 1911, pour voir « une figure féminine grandeur nature, une statue du printemps » (voir Œuvre-vie « Aux côtés de Maillol pour les Saisons »).
C’est Eulalie Verdier, tapissière aux Gobelins, modèle de Maillol et compagne de Guino, qui pose pour la création de l’œuvre. Le jeune sculpteur a quitté l’Espagne pour s’installer à Paris en répondant à l’invitation de son aîné catalan. Il l’a sollicité pour l’aider à honorer la commande Morozov, obtenue pour lui par son ami Maurice Denis. Le peintre a déjà créé les décors peints relatant l’histoire de Psyché et d’Éros afin d’orner le salon de musique du riche collectionneur. Maillol réalise, avec l’aide de Guino, les nus monumentaux des Saisons (œuvres aujourd’hui conservées au musée Pouchkine à Moscou). Kessler décrit ainsi le jeune sculpteur :
« Petit homme sombre aux yeux vifs, un peu espiègles. Beaucoup de talent. Acheté un torse de femme modelé avec extrêmement d’ardeur et un petit relief en bois » 1.
À la date du 15 octobre 1911, Kessler se rend à Marly-le-Roi dans l’atelier de Maillol qui, malade, est resté chez lui. Il évoque le moulage en plâtre de L’Été, réalisé avec Guino. Le comte photographie la pièce alors qu’elle a été sortie dans le jardin où elle fait « la même impression qu’une sculpture antique ».
Kessler consigne également les échanges qui ont lieu au sujet de « l’autre statue de femme », Le Printemps. L’œuvre « paraît fâcheusement maigre » et Maurice Denis remarque « qu’on ne retrouve pas le style de Maillol »… Et pour cause ?
La photographie de Kessler témoigne de la communauté d’aspirations esthétiques qui lie Guino à ses deux aînés, Aristide Maillol et Maurice Denis.
Le critique belge Paul Haesaerts est le premier à dévoiler la part indéfectible de Guino dans la création de l’œuvre sculpté « de Renoir », dont il conte minutieusement la genèse et qu’il entreprend d’inventorier.
Son ouvrage, bien que daté2, est richement illustré et constitue un document important pour la connaissance de l’œuvre sculpté Renoir-Guino, sur lequel se sont largement appuyées les recherches menées ultérieurement.
L’expertise réalisée par Alfred Daber pour la cour du TGI de Paris en 1969 mentionne quelques-unes des rectifications apportées aux écrits d’Haesaerts par Guino, qui fut d’accord avec la succession Renoir pour déclarer que le livre n’était « ni un catalogue, ni complet ».
Planches du livre Renoir Sculpteur, Paul Haeaerts 1947 © ADAGP
Petite Vénus à la pomme, Renoir-Guino 1913 – Venus Victrix, Renoir-Guino 1914
Maternité, Renoir-Guino 1916 – Eau ou Grande Laveuse, Renoir-Guino 1917
Durant les années 1920, l’ingénieur et amateur d’art Émile Chouanard, propriétaire des Forges de Vulcain, passe de nombreuses commandes à Guino : des bas-reliefs destinés à orner du mobilier (cheminée, tête de lit) mais aussi des reliures pour sa remarquable collection de livres illustrés, dispersée en 1936. Guino met son talent de sculpteur à son service en réalisant des plaquettes d’ébène, d’ivoire et d’argent, dont une dizaine sont reproduites dans ce catalogue. La maîtrise technique et le rendu sont “d’une délicatesse extrême, dont l’effet dans un encadrement de maroquin est vraiment saisissant” (Ernest de Crauzat, La Reliure française de 1900 à 1925 II, pp. 114-116).
Les Pastorales ou Daphnis et Chloé
Reliure de Cretté et plaquette en ivoire de Guino
À suivre !
À suivre…
– RECHERCHES EN COURS –
Conservateur des musées cagnois de 1946 à 1977 et créateur du musée Renoir au domaine des Collettes en 1960, Denis-Jean Clergue a laissé des notes très complètes qui documentent son travail et constituent de précieux témoignages.
Ainsi relate-t-il ses entretiens avec Guino, revenu à plusieurs reprises, durant les années 1960, dans l’ancienne demeure de Renoir où il avait vécu avec sa compagne à l’époque de sa collaboration avec le peintre (1913-1918).
Clergue, en relayant le point de vue du sculpteur, éclaire sous un jour nouveau cet épisode singulier de l’histoire de l’art qu’a représenté la collaboration Renoir-Guino. Ses notes sont aujourd’hui accessibles aux chercheurs.
Photo : Guino et Clergue posent aux pieds de Venus Victrix à l’occasion de l’inauguration du bronze, nouvellement acquis par la ville de Cagnes-sur-Mer, l’œuvre phare du duo Renoir-Guino créée cinquante années auparavant aux Collettes (un bronze tiré dans le cadre de l’édition Chrysler lettre G, voir Œuvre-vie).
Tribunal de Grande Instance de Paris
3e Chambre, 1e Section – 2e décision
Attendu d’ailleurs que ces jugements de valeur, partagés par François Fosca, éminent critique, par Paul Haesaerts dans son livre « Renoir sculpteur » et encore bien souvent par les auteurs de catalogues de ventes publiques, sont surabondants ; qu’il est maintenant prouvé par les documents et les renseignements complets fournis au Tribunal que Guino n’a nullement sculpté en état d’esclavage, Renoir ayant d’ailleurs, au début, simplement manifesté le désir de lui donner des conseils ;
Attendu que la légende de la baguette conductrice, et non simplement indicatrice, d’ailleurs par intermittence, a été accréditée par Ambroise Vollard, inventeur de la sculpture « par T.S.F. », selon la boutade d’un critique avisé. Que cette légende a notablement contribué à égarer l’opinion ; que dans son ouvrage, Haesaerts en a fait justice ;
Attendu qu’une telle servitude eût stérilisé toute création ; qu’en réalité, Guino a travaillé seul pendant des heures entières parfois même à Paris loin de Renoir, qu’ainsi, Vollard écrit à Guino le seize juin mil neuf cent quatorze « Renoir est arrivé, pourriez-vous lui apporter la pendule pour la terminer chez lui », que le modèle de Renoir a déclaré que, lorsqu’elle posait, pour le peintre, Guino, qui travaillait dans un autre atelier, venait lui demander son avis pour quelques détails, sans plus (rapport de l’expert, page soixante dix huit) ; que certains des héritiers de Renoir eux-mêmes, dans des lettres alors pleines d’affection et d’amitié pour Guino, ont reconnu cette collaboration intime, l’indépendance du sculpteur étant assurée d’ailleurs par Vollard, qui le payait, sans que le peintre eût à intervenir ;
Attendu qu’il suffit enfin d’examiner certaines œuvres exécutées par Guino seul (catalogue Guino, page trois, quatre, six, huit, vingt, vingt-trois, trente notamment), et de les comparer avec les œuvres de collaboration (notamment la grande laveuse, laveuse accroupie, étude pour petite laveuse, jugement de Pâris, etc.), pour y retrouver l’empreinte de la même main dans le volume et le mouvement de bras, le port de tête, l’attitude, un style rappelant celui de Maillol, peut-être moins plastique, mais ingénu et gracieux ;
Attendu qu’ainsi, on est loin du cas de l’élève d’un peintre ou d’un sculpteur terminant, ébauchant ou complétant une œuvre du maître dans l’exercice d’un même art, qu’il s’agit d’une sculpture érigée des pieds à la tête si l’on peut dire, par un sculpteur donnant sous les hautes indications d’un peintre parfois très espacées, le frémissement de la vie à un muscle, la consistance à un volume solide, la grâce à un geste, etc. ;
Attendu qu’en matière d’arts plastiques, l’inspiration n’est pas détachable de l’exécution, que le cerveau et la main ne font qu’un, sous peine de mort, comme il est facile de le constater en examinant l’œuvre sans vie et sans art sculptée après la collaboration de Guino, par Morel, incapable de traduire et d’adapter soit par excès de soumission, soit faute d’un talent d’adaptateur suffisant ; qu’enfin il n’est pas inutile de rappeler, avec l’expert, que les rares œuvres sculptées par Renoir seul avant la collaboration, sont chevrotantes et mal assurées, le grand maître souffrant déjà de paralysie ;
…/…
[Le tribunal, par ces motifs,]
Déclare toutes les sculptures soumises à l’examen de l’expert et exécutées par Guino en collaboration avec Renoir, plus que suffisamment personnelles, pour conférer à Guino le droit à la qualité de co-auteur, sauf selon l’avis de l’expert et de Guino lui-même, trois médaillons représentant Delacroix, Ingres et Corot, que Guino sera libre de divulguer à sa guise mais sous sa seule signature ;
…/…
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Pour toute demande de reproduction, nous vous remercions de contacter la succession Guino (page contact).
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