RICARD GUINO i BOIX / RICARDO GUINO Y BOIX / RICHARD GUINO (1890-1973)

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Jugement du 11 janvier 1971
TRIBUNal de grande instance de paris

AUDIENCE DU 11 JANVIER 1971

3e CHAMBRE, 1ère Section – 2ème décision

 

Me DANET, avoué du sieur Richard GUINO, Sculpteur, demeurant 12  rue des Primevères, ANTONY (Hauts-de-Seine)

Me DE SARIAC, avoué du sieur Jean RENOIR, demeurant 1273 Léona Drive BEVERLY HILLS (Californie) USA ;

du sieur Claude RENOIR (junior), demeurant 12 rue Gambetta, BOULOGNE-BILLANCOUR­T (Hauts-de-Seine) ;

de Veuve Claude RENOIR, née Marie DU REP et du sieur Paul RENOIR, demeurant tous deux 23 avenue de Verdun, CAGNES-SUR-MER.

 

LE TRIBUNAL,

siégeant en l’audience publique de la TROISIEME CHAMBRE du Tribunal de Grande Instance de Paris ; OUI, Monsieur MOUZON, Vice-Président, en son rapport ; En leurs conclusions et plaidoi­ries, Maîtres Paul PROMPT, Maurice  MAGNET, avocats du Barreau de Lyon, Gilbert HEISZMANN, avocat, assistés de Maître DANET, avoué du sieur Richard GUINO, Monsieur le Bâtonnier TOU­LOUSE et Maître Paul HAGENAUER, avocats, assistés de Maître DE SARIAC, avoué du sieur Jean Renoir, du sieur Claude RENOIR (junior), de Veuve Claude RENOIR et du sieur Paul RENOIR, le Ministère Public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en MATIERE ORDINAIRE et en PREMIER RESSORT ;

Attendu que Richard Guino, qui a entièrement exécuté, de ses propres  mains, entre  les années mil neuf cent treize et mil neuf cent dix sept, un certain nombre de sculptures divulguées sous la signature du peintre Renoir alors impotent et paralysé, a assigné Jean et Claude Renoir, fils du peintre, et Claude Renoir, Junior, son petit-fils, pour entendre dire et juger, tout en recon­naissant avec vénération la part géniale du grand et vieux maître dans cette œuvre de collabo­ration qu’il ne saurait être contesté que le sculpteur, alors même qu’il ne l’aurait pas voulu, a imprimé aux sculptures une part de sa personnalité ; qu’en conséquence, le demandeur, en qua­lité de co-auteur, aurait droit au partage avec les héritiers Renoir, des droits perçus à l’occasion des tirages.

Attendu que les défendeurs ayant dénié à Guino, non pas l’exécution puisqu’elle est recon­nue avoir été de sa seule main, mais l’empreinte de sa propre personnalité dans l’œuvre, le Tribunal par jugement rendu le deux juillet mil neuf cent soixante huit a commis comme expert Alfred Daber, spécialiste en la matière, avec mission d’examiner les œuvres litigieuses, de les comparer avec celles, très rares, exécutées par Renoir seul avant la collaboration, puis avec cel­les exécutées par Guino seul, et enfin par le sculpteur Morel en collaboration avec Renoir, après Guino, de vérifier si l’exécution de Guino a ou non apporté à la sculpture inspirée par Renoir et prétendue dirigée à vue par lui, dans l’ensemble et détail par détail, une empreinte personnelle même modeste ;

Attendu que l’expert a déposé son rapport le seize Juin mil neuf cent soixante neuf et conclu, conformément d’ailleurs, a certaines opinions d’hommes de l’art ou s’y intéressant, tels que les sculpteurs Belmondo et Carton, Membres de l’Institut, le sculpteur Hilbert, le critique François Fosca, et d’autres que, par la liberté dont il jouissait, ce qui est essentiel, et que le tribunal ignorait, par son jeune tempérament, par son goût un peu versaillais de la décoration et de la grâce, Richard Guino a donné à l’œuvre commune une empreinte personnelle incontestable sans parvenir à s’effacer devant celle de Renoir ;

Attendu que Claude Renoir est décédé en cours d’instance ; que la procédure a été reprise par ses héritiers, dame Renoir et Paul Renoir ;

Attendu que le demandeur conclut à l’homologation du rapport de l’expert en ce qu’il a proposé comme œuvres de collaboration la Vénus Victrix, le grand jugement de Pâris, le projet de pendule, trois médaillons représentant Rodin, Monet et Cézanne, une maternité, le buste de Madame Renoir, deux bustes de Pâris, une petite Vénus debout, une petite et une grande laveuse et le feu ;

Attendu qu’en ce qui concerne les sculptures décrites à la page soixante du rapport et qui sont en la possession de Guino, celui-ci en revendique la co-propriété, bien que l’expert estime qu’il s’agit d’ébauches et de projets, dont on ignore s’ils eussent été approuvés par Renoir, au point d’en permettre la divulgation ;

Attendu que conformément à l’avis de l’expert, Guino reconnaît que trois médaillons représentant Delacroix, Ingres et Corot sont œuvres personnelles du sculpteur et non œuvres de col­laboration, et conclut qu’il peut, en conséquence, les divulguer et reproduire en toute liberté, sous son seul nom ;

Attendu que le demandeur, âgé et malade, admet qu’il a laissé reproduire sans sa propre signature, pendant toute sa vie, et en souvenir du grand maître, les œuvres de collaboration, et même qu’il  a lui-même certifié parfois l’authenticité de la signature du seul Renoir ; Attendu qu’il fait plaider qu’il est le premier à reconnaître et à vénérer la part de ce dernier dans l’œu­vre commune ; que son attitude n’est nullement contradictoire comme on le lui reproche cruel­lement et injustement, mais qu’au contraire, il résulte de tous les travaux préparatoires de la loi de mil neuf cent cinquante sept, qui n’est d’ailleurs qu’un texte codificateur d’une longue juris­prudence, que c’est précisément parce que le législateur a voulu protéger l’auteur ou le co­auteur, au besoin contre lui-même, qu’il a édicté toute une série de dispositions en sa faveur, dont la plus remarquable est l’imprescriptibilité de son droit à la qualité d’auteur, considérée par l’article six, comme un attribut de la personnalité ;

Attendu que Guino rappelle qu’il n’aurait pas intenté ce procès, si les héritiers Renoir l’avaient autorisé à tirer quelques ressources au moins de la reproduction des œuvres, ou œuvrettes, demeurées en sa possession ; Attendu qu’il leur réclame, in extremis, la somme de deux cent mille francs à imputer sur le montant de sa part des tirages, en sollicitant, vu l’ur­gence et le péril en la demeure, qui résulteraient, non pas de son grand âge et de la longueur du procès (la jurisprudence lui étant contraire sur ces points) mais de sa maladie dont il justifie, de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de subvenir à son existence, et de faire face en même temps aux frais médicaux, ce qui serait incontestablement un fondement plus que légitime de la mesure sollicitée au cas où il serait fait droit à la demande ;

Attendu que les défendeurs objectent que, si l’exécution de l’œuvre litigieuse est bien toute entière de la main de Guino, elle ne serait pas personnelle et appartiendrait sans partage à Renoir, inspirateur unique, guide à vue, Renoir ne pouvant être que tout Renoir, comme Rubens est tout Rubens, selon l’expression reprise par l’expert lui-même ; Attendu que les défendeurs ajoutent que Guino aurait d’ailleurs renoncé à se prévaloir de sa qualité d’auteur ;

Attendu qu’en ce qui concerne les œuvres demeurées en la possession de Guino, qui aurait profité de la liberté excessive laissée par Renoir à l’organisateur de cette sculpture unique en son genre, le marchand Ambroise Vollard, la défense insinue qu’il y aurait eu un véritable abus de l’usage du cachet du peintre ; qu’en tout cas, à titre subsidiaire, les héritiers Renoir opposent au demandeur la prescription trentenaire, les créances nées de l’exercice du droit d’auteur n’étant pas, selon eux, imprescriptibles, comme son droit moral ;

Attendu que les défendeurs soutiennent, d’autre part, qu’en vertu de l’article treize de la loi de mil neuf cent cinquante sept, l’œuvre collective est la propriété de la personne sous le nom de laquelle elle a été divulguée, c’est-à-dire en l’espèce sous le seul nom de Renoir, Guino ne pouvant plus en conséquence revenir sur cette sorte de contrat ;

Attendu que les défendeurs concluent, en définitive, au rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de Guino ;

Attendu qu’il y a lieu, tout d’abord, pour bien situer le débat, de rappeler que l’article treize susvisé n’est absolument pas applicable au cas de l’espèce ; Attendu qu’il y a trois sortes d’œu­vres communes, aux termes de l’article neuf de la loi du onze mars mil neuf cent cinquante sept l’œuvre de collaboration, l’œuvre composite et troisièmement l’œuvre collective, dans laquelle, en vertu d’un contrat, la contribution de chacun se fond dans l’ensemble divulgué sous un seul nom, notamment en matière d’éditions collectives,

Attendu qu’il ne saurait s’agir, en l’espèce, que d’une œuvre de collaboration ; qu’en conséquence, aux termes des articles huit et neuf, alinéa premier, seuls applicables au cas de l’espèce, la qualité d’auteur appartient, mais sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l’œuvre est divulguée, et que l’administration de la preuve de la collaboration qui est un fait, résulte du simple exercice du droit inaliénable provenant de la qualité de co-auteur ;

Attendu que l’exécution matérielle étant reconnue à Guino, le Tribunal n’a plus qu’à véri­fier si elle est pour partie personnelle, sans plus, l’article deux de la loi de mil neuf cent cin­quante sept le dispensant expressément d’apprécier le génie, le talent ou le mérite de chacun des co-auteurs ;

Attendu que le Tribunal a déjà rappelé cette humble règle de droit, dite de la « banalité de l’art », dans son jugement du deux juillet mil neuf cent soixante huit ; que si les critiques, les artistes, les académies, la presse qui ont abondamment et avec passion commenté par avance le présent procès, dont le dossier est rempli d’opinions diverses, le plus souvent très mal infor­mées, avaient été mieux éclairés sur ce point, il est probable que tous auraient compris que l’en­jeu du litige n’est nullement la réputation de Renoir, géant de la peinture française, alors sur­tout qu’à longueur d’année, le tribunal civil et le tribunal de commerce, sans que personne ne s’en choque, déclarent protégeables en tant que créations artistiques par application des arti­cles deux et trois de la loi de mil neuf cent cinquante sept en même temps que par application de la loi de mil neuf cent neuf sur les modèles, un cendrier fantaisiste, une lampe, n’importe quel objet, pourvu que le produit soit nouveau selon la loi de mil neuf cent neuf et d’une exé­cution personnelle, selon celle de mil neuf cent cinquante sept, l’objet fût-il du plus mauvais goût ;

Attendu qu’ainsi s’expliquent l’opinion suivante du sculpteur Martin recueillie par l’expert ; « à mes yeux ne peut être mis en balance le travail d’un jeune homme avec le génie de Renoir », formule qui se trouve du point de vue juridique tout à fait  en dehors de la question, ou encore les avis des sculpteurs Couturier et Pimienta sur la primauté du génie pour l’exercice duquel on a toujours assez de moyen, ce qui n’est pas le problème, et auxquels il serait d’ailleurs facile de répondre avec Paul Valéry, rendant hommage au travail et à l’exécution : « le talent sans le génie n’est pas grand-chose, mais le génie sans le talent n’est rien », pour la raison bien claire, qu’il demeure alors, inexprimé, ou inexprimable ;

Attendu que l’expert s’est placé, avec beaucoup de conscience et de compétence, par res­pect pour Renoir et pour voir clair en lui-même, au niveau du génie du peintre, pour rendre au maître ce qui appartient au maître ; mais qu’en définitive, il s’est soumis, bon gré, mal gré, en toute honnêteté, aux devoirs de sa mission pour conclure, en compagnie d’ailleurs des sculp­teurs Belmondo, Carton et Hilbert, qui ont  bien compris la question, que la personnalité de Guino n’avait pu disparaître dans l’exécution d’une sculpture plus ou moins bien réussie, mais parfois empreinte d’une « ravissante spontanéité dans l’esprit de Girardon », modifiant et « vir­ginisant en quelque sorte le rayonnement cosmique et les puissantes formes génitrices de Renoir » (Grand jugement de Pâris), ou encore soulignent avec éclat, même pour un non initié (sic) la chute de tension par le passage du peint au sculpté (projet de pendule, l’hymne à la vie, etc.) ;

Attendu d’ailleurs que ces jugements de valeur, partagés par François Fosca, éminent criti­que, par Paul Haesaerts dans son livre « Renoir sculpteur » et encore bien souvent par les auteurs de catalogues de ventes publiques, sont surabondants ; qu’il est maintenant prouvé par les documents et les renseignements complets fournis au Tribunal que Guino n’a nullement sculpté en état d’esclavage, Renoir ayant d’ailleurs, au début, simplement manifesté le désir de lui donner des conseils ;

Attendu que la légende de la baguette conductrice, et non simplement indicatrice, d’ailleurs par intermittence, a été accréditée par Ambroise Vollard, inventeur de la sculpture « par T.S.F. », selon la boutade d’un critique avisé. Que cette légende a notablement contribué à égarer l’opi­nion ; que dans son ouvrage, Haesaerts en a fait justice ;

Attendu qu’une telle servitude eût stérilisé toute création ; qu’en réalité, Guino a travaillé seul pendant des heures entières parfois même à Paris loin de Renoir, qu’ainsi, Vollard écrit à Guino le seize juin mil neuf cent quatorze « Renoir est arrivé, pourriez-vous lui apporter la pen­dule pour la terminer chez lui », que le modèle de Renoir a déclaré que, lorsqu’elle posait, pour le peintre, Guino, qui travaillait dans un autre atelier, venait lui demander son avis pour quel­ques détails, sans plus (rapport de l’expert, page soixante dix huit) ; que certains des héritiers de Renoir eux-mêmes, dans des lettres alors pleines d’affection et d’amitié pour Guino, ont reconnu cette collaboration intime, l’indépendance du sculpteur étant assurée d’ailleurs par Vollard, qui le payait, sans que le peintre eût à intervenir ;

Attendu qu’il suffit enfin d’examiner certaines œuvres exécutées par Guino seul (catalogue Guino, page trois, quatre, six, huit, vingt, vingt-trois, trente notamment), et de les comparer avec les œuvres de collaboration (notamment la grande laveuse, laveuse accroupie, étude pour petite laveuse, jugement de Pâris, etc.), pour y retrouver l’empreinte de la même main dans le volume et le mouvement de bras, le port de tête, l’attitude, un style rappelant celui de Maillol, peut-être moins plastique, mais ingénu et gracieux ;

Attendu qu’ainsi, on est loin du cas de l’élève d’un peintre ou d’un sculpteur terminant, ébauchant ou complétant une œuvre du maître dans l’exercice d’un même art, qu’il s’agit d’une sculpture érigée des pieds à la tête si l’on peut dire, par un sculpteur donnant sous les hautes indications d’un peintre parfois très espacées, le frémissement de la vie à un muscle, la consistance à un volume solide, la grâce à un geste, etc. ;

Attendu qu’en matière d’arts plastiques, l’inspiration n’est pas détachable de l’exécution, que le cerveau et la main ne font qu’un, sous peine de mort, comme il est facile de le consta­ter en examinant l’œuvre sans vie et sans art sculptée après la collaboration de Guino, par Morel, incapable de traduire et d’adapter soit par excès de soumission, soit faute d’un talent d’adaptateur suffisant ; qu’enfin il n’est pas inutile de rappeler, avec l’expert, que les rares œuvres sculptées par Renoir seul avant la collaboration, sont chevrotantes et mal assurées, le grand maître souffrant déjà de paralysie ;

Attendu qu’il échet, en conséquence, de dire que l’exécution de Guino a été personnelle, non seulement en ce qui concerne les œuvres reconnues par l’expert, comme étant le résultat d’une collaboration intime, au sens de l’article neuf, alinéa premier de la loi de mil neuf cent cinquante sept, mais encore en ce qui concerne les autres œuvres demeurées en la possession de Guino, énumérées page soixante du rapport, pour la raison bien simple que l’une a été réa­lisée à Essoyes chez Renoir, et toutes les autres aux Collettes à Cagnes, également chez Renoir, et que toutes, sauf deux sont signées par lui à la main et non à l’aide d’un cachet à signature invariable ; Attendu qu’il ne saurait donc s’agir d’œuvres confectionnées à Paris, sans son appro­bation, ce qui peut être, a été le cas pour d’autres œuvres, sur lesquelles Vollard aurait imprimé abusivement le cachet de Renoir trop confiant ;

Attendu que le faux n’est d’ailleurs pas articulé dans les conclusions de la défense, ce qui est essentiel, et que celle-ci semble avoir confondu deux questions, celle de savoir si ces œuvres sont de collaboration, ce qui paraît évident, puisqu’elles ont été exécutées notamment à Cagnes, dans le cadre des accords Renoir Guino Vollard et qu’elles diffèrent du style de Guino opérant tout seul, et celle de savoir si Renoir eût approuvé la reproduction par tirage de ces ébauches ou projets ;

Attendu que Guino se borne à demander la reconnaissance de son droit de co-auteur au Tribunal, qui n’est pas saisi selon l’article dix de la loi de mil neuf cent cinquante sept, d’une action tendant à départager les co-auteurs, en cas de désaccord sur l’exercice de leurs droits, notamment de leurs droits de reproduction.

Attendu que les défendeurs n’ont pas entièrement tort de soutenir enfin que le co-auteur peut volontairement renoncer à certains avantages ;

Attendu que si le droit à la qualité d’auteur ou de co-auteur est en principe imprescriptible et inaliénable, sous réserve des restrictions de l’article dix, alinéa trois de la loi de mil neuf cent cinquante sept, rien ne l’empêche de refuser temporairement les avantages que peuvent lui pro­curer chacun des tirages, jusqu’au jour où il reprend ses droits ;

Attendu que ce fut exactement la situation, et qu’il n’est pas besoin de statuer sur la pres­cription ; Attendu qu’en laissant volontairement reproduire des sculptures signées du seul nom de Renoir et bien mieux, en les authentifiant parfois lui-même, sans rien réclamer, Guino, à l’oc­casion de chaque reproduction, a renoncé à en tirer bénéfice et qu’il ne peut plus revenir sur ces renonciations échelonnées dans le temps ;

Attendu qu’il n’a, en conséquence, droit à sa part de co-auteur à l’occasion de chacun des tirages qu’à compter du jour de l’assignation reconnaissant lui-même qu’il se serait borné à faire reproduire quelques œuvres, œuvrettes ou ébauches, en sa possession, si l’intransigeance des héritiers Renoir et leur refus de le secourir indirectement, ne l’avait pas contraint à faire valoir selon la loi, la totalité de ses droits, tenus en réserve pour ses vieux jours ;

Attendu qu’aucun renseignement précis n’est fourni au Tribunal sur les tirages réalisés ou en cours  de réalisation, depuis l’assignation ; qu’il appartiendra aux parties de se mettre d’ac­cord pour exercer leurs droits respectifs selon l’article dix de la loi de mil neuf cent cinquante sept, faute de quoi le Tribunal statuera à nouveau sur cette prétention, dont il n’est pas saisi ;

Attendu que le Tribunal possède cependant des éléments d’appréciation suffisants, l’exis­tence de tirages récents n’ayant pas été niée au cours des débats, pour condamner les défen­deurs à payer à Guino la somme de trente mille francs ;

Attendu que l’urgence et le péril en la demeure résultant de l’état de santé et de la détresse de Guino, il y a lieu, en conséquence, d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel ;

PAR CES MOTIFS

Déclare l’instance valablement reprise par les héritiers de Claude Renoir ;
Vidant son jugement d’avant dire droit rendu le deux juillet mil neuf cent soixante sept ;
Homologue le rapport de l’expert Daber, sauf en ce qu’il écarte la collaboration des projets ou ébauches, au seul motif qu’il n’est pas certain que Renoir qui en a cependant signé six sur huit, aurait consenti à leur reproduction par tirage ;

Déclare toutes les sculptures soumises à l’examen de l’expert et exécutées par Guino en collaboration avec Renoir, plus que suffisamment personnelles, pour conférer à Guino le droit à la qualité de co-auteur, sauf selon l’avis de l’expert et de Guino lui-même, trois médaillons représentant Delacroix, Ingres et Corot, que Guino sera libre de divulguer à sa guise mais sous sa seule signature ;

Dit et juge que Guino a renoncé à exploiter ses droits de co-auteurs à l’occasion de chacun des tirages, mais seulement jusqu’au jour de l’assignation ; le déboute du surplus de ses prétentions ;

Condamne les défendeurs à payer au demandeur la somme de trente mille francs (30.000 F), à imputer sur la part qui lui revient, et sur le montant total de laquelle il sera fait droit, si besoin est, faute d’accord entre les parties qui ne sollicitent pas d’expertise, mesure qui serait d’ailleurs prématurée, puisque le Tribunal ignore, le droit de co-auteur de Guino venant seulement d’être reconnu bien que le jugement soit déclaratif, s’il se rangera ou non, en définitive, à l’avis des héritiers de Renoir de ne pas publier les projets et ébauches demeurés en sa possession, préférant peut-être partager les droits de reproduction des autres œuvres, entière­ment terminées et amplement divulguées ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

Condamne les défendeurs aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître DANET avoué, aux offres de droit.

Fait et jugé par Monsieur MOUZON Vice-Président, Messieurs BARDOUILLET & BENOIT-GUYOD, Juges, en présence de Monsieur LACOSTE, Substitut, assistés de CAYREL, Greffier, le onze janvier mil neuf cent soixante et onze, TROISIEME CHAMBRE.

Signé : MOUZON & CAYREL

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