Essoyes, Maison Renoir, du 24 juillet au 8 novembre 2020
Commissariat Olivier Le Bihan, assisté de Magalie Duvaux et Frédérique Kirstetter
Avant de devenir un cinéaste de renom et le chroniqueur d’une extraordinaire saga familiale, Jean Renoir a produit, entre 1919 et 1923, des dizaines de céramiques, marchant dans les pas de son illustre père. Ces réalisations méconnues ont lancé sa carrière artistique. Un ensemble provenant des collections françaises, publiques et privées, est présenté dans l’écrin restauré de la maison familiale des Renoir, à Essoyes.
Si l’on connaît aujourd’hui l’apport original de Guino à l’œuvre qu’il sculpta avec Renoir pour le compte de Vollard (1913-1918), on sait peut-être moins le rôle qu’il a joué dans l’éveil à la pratique de la céramique des fils du peintre, Claude, Pierre et Jean, à la faveur de séjours à Essoyes et Cagnes-sur-Mer qui se prolongent jusqu’en 1926.
Le verger familial fournit l’essentiel de l’inspiration et compose, avec ses motifs de treilles, d’arbustes palissés et sa profusion de pommes, poires, raisins… l’allégorie d’une abondance infiniment renouvelée, à l’exemple des généreuses cornucopia regorgeant de fruits de saison dont Guino garnissait ses pièces historiées.
L’exposition permet de découvrir, à travers les œuvres de Jean Renoir céramiste et l’évocation de l’atelier de céramique des Collettes, cette page inédite d’une aventure artistique, familiale et amicale exceptionnelle.
Œuvres de Guino exposées :
– Portrait de Jean Renoir en médaillon, 1913-1917
– Allégorie de l’Abondance, c. 1924-25
“Renoir sculpteur, une histoire singulière”
Conférence donnée par Emmanuelle Héran à l’occasion de la célébration du centenaire de Renoir par la Ville de Limoges et l’acquisition, par le musée des Beaux-Arts, d’une sculpture de Renoir-Guino, Étude de la Maternité, et d’un portrait de Renoir par Guino (cf infra).
Un portrait de Renoir par Guino et une sculpture Renoir-Guino, Étude de la Maternité, rejoignent les collections du musée des Beaux-Arts de Limoges, ville natale du peintre célébré à l’occasion du centenaire de sa mort.
Durant la période de leur collaboration à Essoyes et Cagnes-sur-Mer (1913-1918), Guino a réalisé de nombreux portraits de Renoir et de ses proches, dont il partageait la vie de famille. Dans ce profil se perçoit cette proximité : le jeune artiste représente avec douceur la fatigue liée à l’âge, mais aussi la force de volonté d’un maître qui n’a rien perdu de sa soif créatrice.
En juin 1915 meurt Aline Renoir. Le peintre, pour honorer la mémoire de son épouse disparue, demande à Guino de la représenter en s’inspirant d’une étude où elle donne le sein à son bébé. Cette commande est singulière au sein de l’œuvre commune pour avoir été passée par le peintre au sculpteur sans l’intermédiaire de Vollard. L’œuvre en volume restitue la tendre simplicité de la peinture et son caractère ébauché fait écho à la fraîcheur du portrait de Renoir. La maternité est l’un des thèmes de prédilection de Guino, qu’il déclinera notamment sous forme monumentale (voir Œuvre-Vie).
Le site est développé par les descendants de Richard Guino pour mettre à la disposition du public et des chercheurs une base de ressources documentaires dédiée à son œuvre et contribuer à recueillir des informations.
La synthèse présentée s’appuie sur les travaux d’inventaire et de divulgation menés par la succession Richard Guino ainsi que sur les recherches développées par critiques et historiens de l’art (voir Ressources).
Renoir et Guino se dédièrent d’abord à la création d’une Vénus, la déesse victorieuse du Jugement de Pâris. Renoir avait peint à plusieurs reprises la scène mythologique de l’élection de Vénus, s’inscrivant dans une tradition largement explorée par de nombreux artistes depuis l’Antiquité.
Par sa monumentalité, la grande Vénus de Renoir et Guino se mesure à cette histoire, par la rupture qu’elle opère avec l’académisme et l’expressivité rodinienne, elle participe au renouveau de la sculpture moderne et résonne avec les sculptures de Maillol, pour lequel Guino avait activement travaillé durant les années 1910-1912 (voir Œuvre-vie).
Le plâtre de Venux Victrix, qui a servi à réaliser les épreuves en bronze qui se trouvent aujourd’hui dans les plus prestigieux musées du monde, intègre les collections du musée d’Orsay à Paris.
Grâce à une photo de l’une des salles d’exposition du Musée national d’art moderne occidental de Moscou – l’ancien palais Morozov où furent rassemblés, entre 1923 et 1948, les chefs-d’œuvre des collectionneurs russes Chtchoukine et Morozov – une œuvre de Guino, qui voisine avec des sculptures du Cycle des saisons de Maillol (Flore et Printemps) et des peintures de Matisse, a été identifiée puis localisée.
Ce marbre, Torse de femme, n’était connu que par une autre photographie conservée dans les archives familiales, où l’on voit Guino travailler dans son atelier. L’œuvre, aujourd’hui conservée au musée Pouchkine de Moscou, a été acquise pour Ivan Morozov par le comte Kessler en 1911, au moment où Guino travaillait avec Maillol à la création des nus monumentaux du Cycle des saisons, commande du même Morozov.
Cette découverte en a entraîné une autre, le collectionneur russe, grand amateur d’art moderne, ayant également fait l’acquisition d’une Maternité en terre-cuite, aujourd’hui conservée au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Il s’agit de l’un des thèmes de prédilection de Guino, ultérieurement exploré en diverses matières et dimensions (voir Maternité, œuvre monumentale, 1920).
Deux œuvres de Richard Guino, Torse de femme et Maternité, acquises par le collectionneur Ivan Morozov et conservées en Russie depuis 1911, redécouvertes grâce à l’exposition “La collection Chtchoukine” (Paris, Fondation Louis Vuitton, 2016)
L’une des œuvres monumentales de Guino, créée en 1915 (durant la période de la collaboration avec Renoir), confiée en dépôt au musée des Beaux-Arts de Perpignan, en Catalogne.
Guino explore le motif classique du nu féminin à sa toilette et offre un hymne à la sensualité empreint de douceur, qui rappelle l’Aphrodite accroupie du Louvre. La ligne de composition torsadée rythme les volumes d’un corps dévoilant ses profils tel un paysage vallonné, à travers effets de creux et de pleins, jeux d’ombre et de lumière.
L’œuvre, au musée Hyacinthe Rigaud, voisine avec Torse du Printemps de Maillol, une sculpture dont l’historienne de l’art Ursel Berger vient d’établir qu’elle avait été créée par Guino dans son propre atelier de la rue Daguerre, alors qu’il assistait Maillol. Cette information trouve sa source dans le journal du comte Kessler, mécène et collectionneur, passionnant témoin de la vie artistique de son temps (voir Bibliographie).